Le premier réseau social au monde a publié, jeudi 26 juillet, ses premiers résultats financiers après son entrée en Bourse, en mai. Au-delà des chiffres, les bilans de l'entreprise donnent des précisions sur les deux grands enjeux économiques auxquels Facebook doit faire face.
La manière, d'abord, dont il saura – ou non – monétiser son audience
mobile, en croissance exponentielle depuis 2010. Le public nomade de
Facebook est ainsi passé de 155 millions au deuxième trimestre de
l'année 2010, à 543 millions, selon les derniers résultats publiés par
le groupe.
Et si le réseau social tire la grande majorité (84 %) de ses revenus
depuis les publicités en ligne, il est difficile pour le groupe
d'implémenter ses différentes offres publicitaires sur mobile. Pour y
remédier, le groupe décline, depuis le mois de juin, ses "actualités sponsorisées" sur mobile. Ce dispositif permet à un annonceur d'obtenir
des publicités très visibles, dans le flux d'actualité des personnes
dont les amis "aiment" une marque ou un produit sur le réseau. Au cours
d'une conférence avec des analystes, après la publication des résultats
de l'entreprise, le PDG Mark Zuckerberg
a expliqué que ce type de publicités était plus rentable que d'autres,
mais Facebook n'a pas détaillé quelle part de ses revenus publicitaires
provenait du mobile. Dans les documents déposés auprès des autorités
américaines en vue de son entrée en Bourse, Facebook reconnaissait que
sa capacité à monétiser son audience mobile était l'un des grands défis
qui se posent à l'entreprise.
Début juillet, Facebook a également annoncé le lancement de
publicités encore plus ciblées sur mobile, se basant sur les
applications installées par l'utilisateur sur son téléphone. Un éditeur
de jeux vidéo pourrait ainsi privilégier les utilisateurs ayant déjà installé plusieurs jeux sur son téléphone, ou cibler les mobinautes utilisant certaines catégories d'applications.
MONÉTISER LES AUDIENCES ASIATIQUES ET SUD-AMÉRICAINES
L'autre problématique de Facebook est la monétisation de son audience
hors des Etats-Unis. Sur les 955 millions d'utilisateurs mensuels
recensés par Facebook, seulement 186 millions sont Américains. Le "reste
du monde" constitue le plus gros de l'audience de Facebook (268
millions), devançant l'Asie (255 millions) et l'Europe (246 millions) ; des pays comme l'Inde ou le Brésil ont vu ces derniers mois leur nombre d'utilisateurs exploser, pour dépasser les 50 millions. Le Brésil et l'Inde sont désormais, derrière les Etats-Unis, les pays comptant le plus d'utilisateurs actifs sur le réseau social.
Mais cette audience croissante en Amérique latine, en Afrique
et en Asie contribue peu à la hausse du chiffre d'affaires du réseau
social. Les Etats-Unis représentent encore 590 millions de dollars de
chiffre d'affaires sur 1,2 milliard de dollars au total au deuxième
trimestre. La part de l'Europe s'élève à 346 millions de dollars. Mais
le reste du monde et l'Asie pèsent pour leur part seulement un peu plus
de 100 millions de dollars. En cause, un marché publicitaire en ligne
encore naissant, des monnaies plus faibles et des pouvoirs d'achat
nettement moins élevés qu'en Europe ou aux Etats-Unis.
Générer un chiffre d'affaires plus important sur ces marchés suppose
également un plus grand développement de la publicité sur mobile. Dans
une note consacrée au développement de Facebook en Inde – où les 50
millions de membres ne représentent encore que 4 % de la population – le cabinet Strand consulting note que "les
deux principales difficultés pour Facebook sont que ses annonceurs sont
principalement occidentaux, et ne s'intéressent pas aux clients
indiens, et que la plupart des Indiens consultent Facebook depuis leur
téléphone, une plate-forme que Facebook n'est pas encore parvenu à rentabiliser."
L'indicateur Arpu (Average Revenue Per User), qui permet de calculer
le chiffre d'affaires moyen par utilisateur, s'améliore depuis 2010. La
maxime selon laquelle un utilisateur de Facebook représente un dollar
se vérifie. L'Arpu augmente même en 2012, pour s'élever à 1,28 dollar.
Mais ce chiffre cache d'importantes disparités régionales. En Asie (0,55
dollar) et dans le reste du monde (0,44 dollar), l'Arpu est bien
inférieur à celui des internautes américains (3,2 dollars).
Enfin, un dernier élément sera scruté avec attention par les
investisseurs : les revenus dégagés par les jeux sur la plate-forme de
Facebook. Représentant plus de 10 % du chiffre d'affaires du réseau
social, les revenus tirés des partenariats et ventes d'objets virtuels,
sur lesquels Facebook prélève une commission via son système de monnaie
virtuelle, représente une source de revenus non négligeable. Mais
fragile : les mauvais résultats de Zynga, le principal éditeur de jeux pour Facebook, ont fait plonger, jeudi, le cours de l'action Facebook, avant même la publication des résultats en demi-teinte du réseau social.
Laurent Checola et Damien Leloup